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Enquête sur ces hauts fonctionnaires trop gâtés : Y aura-t-il des changements avec Monsieur Hollande ?

 


"Une nouvelle noblesse d'Etat"

Yvan Stefanovitch, auteur de "Aux frais de la princesse" Le journaliste d'investigation Yvan Stefanovitch, auteur de "Aux frais de la princesse", a enquêté sur les "nobles de la République", ces hauts fonctionnaires qui vivent aux frais de l'Etat. Il a répondu à vos questions.

 

"Les privilégiés de la République, c'est la crème de la crème de la fonction publique"

Qui sont pour vous les privilégiés de la République ?

Les privilégiés de la République forment une noblesse d'Etat, plus précisément les 15 000 hauts fonctionnaires diplômés en quasi totalité de l'ENA, polytechnique ou Normale Sup'. C'est à dire la crème de la crème de la fonction publique.
Ce sont les mieux payés des fonctionnaires (de 6 000 à 45 000 euros par mois) et ont droit à une kyrielle d'avantages : voiture et appartement de fonction, et à toute une série de primes.

Un salaire exorbitant, des privilèges à la limite de la décence... Qu'est-ce qui justifie une telle différence de traitement entre ces "privilégiés" et le commun des mortels ?

L'Histoire de France ! Prenons l'exemple de l'Inspection des Finances, c'est-à-dire l'élite de l'élite, constituée de 400 hauts fonctionnaires qui trustent des postes à l'Elysée, à Matignon et en disponibilité (jusqu'à 12 ans de suite dans le privé) à BNP-Paribas, un groupe bancaire, où ils sont la bagatelle de douze à occuper les postes les plus importants.
Ce mélange de l'élite public-privé a commencé au début du XIXe siècle, lors de la création des grands corps administratifs sous la monarchie constitutionnelle. Un corps qui trustait déjà les hauts postes dans l'administration et la banque. Rien n'a changé, nous vivons toujours en monarchie, mais républicaine, où la méritocratie (sélection par les diplômes de l'élite) n'est pas une garantie de compétence...

» Lire la suite : Sénateurs et ambassadeurs : les "super-privilégiés"

 

"Le Sénat nous coûte 300 millions d'euros par an"

Yvan Stefanovitch Photo © Cécile Genest L'Internaute Magazine

Avez-vous un exemple d'un privilégié de l'Etat ?

Les 350 hauts fonctionnaires et 870 petits fonctionnaires du Sénat. Au nom de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif (le président de la République et le Premier ministre) et le Parlement (Sénat et Assemblée nationale), personne ne peut mettre son nez dans les comptes du Sénat qui nous coûtent, à nous contribuables, 300 millions d'euros par an.

Résultat : le Sénat est une bonne maison, où l'Etat jette l'argent par les fenêtres avec frénésie. Ici vous pouvez consommer le whisky le moins cher de France (50 centimes d'euros), travailler pas plus de 32 heures par semaines, être payé au minimum à votre embauche 2 300 euros par mois sans aucun diplôme. Et les primes de nuit doublent votre salaire à 19h, le doublent à minuit et le triplent à quatre heures du matin alors que vous dormez. Et sur les 350 hauts fonctionnaires, 28 bénéficient d'appartements de fonction (de 120 à 290 m2) qui donnent sur le jardin du Luxembourg. Ils payent un loyer immuable et imbattable de 600 euros par mois avec parking et charges comprises !

Vous écrivez : "ambassadeur, le pactole sans obligation de résultat". Pourquoi ?

Parce qu'arrivés dans leur ambassade avec pour tout bagage une brosse à dents, 43 ambassadeurs de France sur 157 au total touchent un minimum de 22 500 euros par mois. A l'époque d'Internet, de la télévision, des agences de presse, la politique étrangère se construit à l'Elysée et de moins en moins dans nos ambassades. Or, il y a toujours autant d'ambassadeurs et de moyens mis à leur disposition.

Les autres privilégiés ont-ils vraiment des obligations de résultat ?

Les autres hauts fonctionnaires ont un semblant d'obligation de résultat comme les proviseurs des grands lycées parisiens (qui ont des appartements de fonction gratuits allant jusqu'à 390 m2), les préfets qui doivent gérer les manifestations de toutes sortes, les conseillers d'Etat qui disent le droit, les conseillers à la Cour des comptes qui traquent l'utilisation anormale de l'argent de l'Etat.

» Lire la suite : Impossible réforme ?

 

"Un mal purement gaulois !"

Yvan Stefanovitch

"Vous avez déjà vu des privilégiés abandonner leurs privilèges sans faire d'histoire ?"

Est-ce un mal franco-français ?

C'est un mal purement gaulois. Le principal de ces privilèges, qui n'existe dans aucun autre pays du monde, est le suivant : ces hauts fonctionnaires ont le droit d'aller travailler jusqu'à 12 ans dans le privé (où ils multiplient par 10 ou 15 leur salaire) avant de revenir pantoufler tranquillement dans le public.

Un mal franco- français aussi, car en France, ces hauts fonctionnaires ne démissionnent pas de la fonction publique lorsqu'ils ne sont plus députés ou sénateur. Aux Etats-Unis et dans la plupart des démocraties, un haut fonctionnaire élu doit immédiatement démissionner de la fonction publique. C'est pourquoi l'Assemblée nationale compte beaucoup de députés hauts fonctionnaires qui, s'ils sont battus à une élection, peuvent tranquillement revêtir à nouveau leur habit de fonctionnaire.

Toutes les professions ou presque ont leurs privilèges : enseignants, employés EDF, journalistes, etc. Faudrait-il tous les supprimer ?

Certes, il n'est pas question de supprimer tous les privilégiés, mais simplement si on s'attaque aux fonctionnaires dans leur ensemble, il semble complètement illogique de laisser les hauts fonctionnaires de côté. C'est une question d'exemplarité. Ainsi, M. Schweitzer touche sa retraite d'ex-PDG de Renault, d'ancien inspecteur des Finances (4500 euros par mois), mais aussi une indemnité d'environ 7000 euros mensuels en tant que directeur de la Halde (Haute Autorité gouvernementale de lutte contre les discriminations). Les hauts fonctionnaires touchent ainsi des retraites déguisées à des hauts postes qui leurs sont rétribués sous forme d'indemnité. Ca me choque profondément. La loi doit être la même pour tous et l'Etat doit être impartial comme le dit le président Sarkozy.

Est-il possible de changer les choses, si ceux qui en ont les moyens sont aussi ceux qui n'ont aucun intérêt à la suppression des privilèges ?

Vous avez déjà vu des privilégiés accepter d'abandonner leurs privilèges sans faire d'histoire ? Nous avons, nous Français et c'est unique au monde, un double discours sur les privilèges. Nous les critiquons vertement, comme l'affaire Gaymard l'a montré et nous rêvons aussi d'en faire profiter nos enfants... Et nous Français sommes à peu près incapables de faire des réformes, seulement des révolutions.

» Lire la suite : L'enquête

"Les inégalités entre petits et hauts fonctionnaires"

Yvan Stefanovitch Photo © Cécile Genest L'Internaute Magazine

"Au cours de mon enquête, j'ai subi des pressions"

Qu'est ce qui vous a amené à entreprendre cette enquête ?

Aujourd'hui, tous les gouvernements de gauche ou de droite demandent aux Français de se serrer la ceinture pour essayer de faire baisser la terrible dette de l'Etat : plus de mille milliards d'euros. Plus précisément, les hauts fonctionnaires, qui pilotent la réforme de l'Etat depuis cinq ans, ont imposé un alignement des retraites des 6,5 millions de fonctionnaires sur celles des salariés du privé. Résultat : les petits fonctionnaires vont cotiser plus pour leur retraite, vont travailler plus longtemps, et percevront des retraites moins importantes. Mais, pour les hauts fonctionnaires, qui colonisent le pouvoir politique en France depuis Louis XIV, il n'y aura rien de changé. C'est "fais ce que je dis, mais pas ce que je fais" !

Est-ce que vos enquêtes ont toujours abouti et n'avez-vous jamais subi de pressions ?

J'ai subi des pressions, mais toujours à caractère économique. Il semble difficile pour moi de faire paraître une enquête sur Veolia, Vinci, Suez, Carrefour, Bouygues, Total , LVMH ou Eiffage, dans un quotidien qui chaque semaine publierait plusieurs pleines pages de publicité pour ce groupe... Les pressions personnelles sont, elles, quasi-inexistantes. C'est tout juste de l'intimidation : on vous envoie, de manière quasi officielle, quelques détectives privés qui stationnent devant chez vous de manière ostentatoire. Le relevé des plaques d'immatriculation suffit à s'en rendre compte. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat. C'est classique...

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Sur l'ouvrage : "Aux frais de la princesse"

Deux siècles se sont écoulés depuis la nuit du 4 août 1789, lorsque nobles et ecclésiastiques ont renoncé aux privilèges liés à leur ordre pour devenir des citoyens comme les autres. Mais la République a fait naître sa propre noblesse, 15 000 hauts-fonctionnaires super privilégiés, issus des grands corps de l'administration. Pourquoi et comment cette noblesse d'Etat s'est-elle arrogé ces privilèges ? Comment expliquer les salaires astronomiques des ambassadeurs ? Qu'est-ce que le "pantouflage" dans le privé ?

Yvan Stefanovitch a mené une enquête minutieuse sur ce sujet tabou, complètant l'étude de documents et de rapports administratifs par de nombreux entretiens avec les intéressés eux-mêmes.

Yvan Stefanovitch, des enquêtes qui dérangent

Journaliste d'investigation, Yvan Stefanovitch collabore à l'Agence France Presse, au "Nouvel Observateur", à VSD et au "Canard enchaîné". Il a publié "Un assassin au dessus de tout soupçon" (1984, Balland), après avoir enquêté sur l'affaire Alain Lamare, un gendarme de l'Oise devenu tueur en série. En 1989, il signe avec Jacques-Marie Bourget "Affaires très spéciales" (1989, Plon). Dans "L'empire de l'eau" (2004, Ramsay), Yvan Stefanovitch enquête sur les relations entre les grands groupes privés de l'eau (Bouygues, Veolia et Suez-Lyonnaise des eaux) et le pouvoir politique, cherchant à prouver que payer sa facture d'eau revient à financer les grands partis politiques. Il est également co-auteur avec Jean-François Probst, éminence grise de la droite française, de "Chirac et dépendances".

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